NITRATES

Les nitrates sont des composes azotés, indispensables à la croissance des plantes (qui ne peuvent pas utiliser l’azote de l’air). Ils existent naturellement dans les eaux à des doses variant de 1 à 10 mg/l.

Malheureusement, sur les 50 dernières années, les doses rencontrées ont été multipliées par 10 dans certains secteurs. Dans les eaux souterraines qui ne contenaient en l’absence de contamination que 0,1 à 1 mg/l de nitrates, on peut maintenant en trouver au delà de 50 mg/l. Ces nitrates ” nouvellement ” arrivés proviennent essentiellement de l’agriculture (66%) mais aussi des collectivités (22%) et de l’industrie (12%).

Les nitrates agricoles proviennent des engrais et des lisiers (effluents d’élevage) qui s’accumulent dans le sol et mettent 20 à 30 ans à traverser les sols jusqu’aux nappes phréatiques qu’ils vont ainsi polluer avec retard. Ces nitrates lessivés par les pluies représentent la partie non utilisée par les plantes des nitrates épandus. Bien que la dose de nitrate épandue par hectare ait globalement diminué ces dernières années, les cultures n’en consomment pas plus d’un tiers. Le reste est perdu par ruissellement

Source : INRA, IDELE, Chambres d’agriculture, 2013

En progrès, mais peut mieux faire : Depuis 1985, la quantité d’azote appliquée par hectare a diminué, mais la part consommée par la culture (sorties) n’en représente qu’un tiers. Le reste est perdu par lessivage ou ruissellement.

Par ailleurs, le nombre d’hectares fertilisés ayant augmenté, l’excédent d’azote au niveau national est passé de 320 000t en 1995 à 902 000 tonnes en 2011. C’est ainsi que les nitrates sont devenus une source majeure de pollution de l’eau. Les régions les plus touchées sont la Bretagne, la Champagne-Ardenne, le Centre et le Poitou-Charentes et l’Île-de-France.

EFFETS DES NITRATES
Les nitrates ont des effets très négatifs sur le milieu. Ils ont d’une part une toxicité directe pour les organismes aquatiques (invertébrés, amphibiens, poissons) et impactent gravement la biodiversité à des doses parfois très faibles. En eau douce, 10 mg de nitrates par litre d’eau suffisent à affecter significativement les invertébrés aquatiques. A cette même dose, des poissons autrefois communs se montrent touchés (truites par exemple) ainsi que des amphibiens .
D’autre part, les nitrates participent avec les phosphates à l’eutrophisation des cours d’eau, produisant une prolifération de matières organiques et un appauvrissement en oxygène qui rendent le milieu impropre à la vie de nombreux organismes aquatiques. Ils contribuent aussi à créer les marées vertes qui touchent surtout les côtes bretonnes mais qui commencent à perturber ponctuellement certaines plages et baignades du bassin Adour Garonne.

Eutrophisation des cours d’eau

Eutrophisation des cours d’eau

Les effets sur la santé quant à eux, sont surtout dus à la transformation des nitrates en nitrites dans le système digestif et incluent :
Une augmentation du risque de certains cancers, d’autant plus s’ils agissent en synergie avec des pesticides
Un effet de perturbateur endocrinien
La formation de méthémoglobine si des nitrites passent dans le sang
Le taux de nitrates autorisé dans l’eau de boisson a été fixé à 50mg/l dans l’union européenne et on estime qu’un taux inférieur ou égal à 25 mg/l serait préférable
Pour limiter le phénomène de prolifération des algues vertes les scientifiques s’accordent à dire qu’il faudrait atteindre un taux inférieur à 10 mg/l

LE COÛT DE LA DÉPOLLUTION
D’après le Commissariat Général au Développement Durable, le surcoût dû à la pollution de l’eau en France se situe entre 1005 et 1525 Millions d’euros. (Ceci sans compter le contentieux européen ; l’estimation pourrait donc être revue prochainement à la hausse). La plus grande partie de ces coûts est répercutée sur la facture d’eau. Les dépenses des collectivités littorales contre l’eutrophisation sont elles, estimées entre 100 et 150 millions d’euros. Le principe pollueur payeur est donc loin d’être respecté comme l’a fait remarquer la cour des comptes en 2010.
Pour l’instant et malgré la multiplication de textes réglementaires, l’état ne mise pas sur la prévention (ce qui a été aussi pointé par la cour des comptes). Pourtant le coût de dépollution à l’hectare de cultures conventionnelles varie entre 800 et 2400€. Cette somme pourrait plus efficacement être employée à des actions de prévention pour la protection des périmètres de captage…C’est ce qu’on montré le Danemark et la Bavière qui ont réduit de 30% leur utilisation de pesticides et d’azote grâce à une implication de leurs agriculteurs dans des actions préventives. En France la cour des comptes estime que le traitement curatif est 2,5 fois plus cher que la prévention.

CONTENTIEUX EUROPÉEN
La Cour de Justice de l’Union Européenne a condamné déjà 3 fois (en 2001, 2013 et 2014) la France pour manquement à la directive de 1991 contre la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole (CJUE, 4 septembre 2014, affaire C-237/12) .

En effet, la France a été jugée laxiste dans les moyens de lutte mis en œuvre :
propositions insuffisantes pour les périodes d’épandage et de stockage des effluents d’élevage
mesures de calcul de l’azote et choix de coefficients de volatilisation ne permettant pas de respecter les limites d’épandage
conditions d’épandage sur sol en forte pente non satisfaisantes
absence d’interdiction d’épandage sur sol gelé

Jusqu’à présent, la France a échappé aux sanctions financières mais ce ne pourra plus être le cas la prochaine fois. L’état va-t-il enfin prendre des mesures efficaces ou va-t-il courageusement se défausser de ses responsabilités sur les collectivités comme le permettrait le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale?

Pour en savoir plus

www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/degradation/07_pollution.htm
fr.wikipedia.org/wiki/Nitrate
www.bretagne-environnement.org › Eau › Les menaces
www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/LPS161.pdf