PESTICIDES ET ENVIRONNEMENT

L’agriculture intensive est la deuxième cause de perte de biodiversité

L’agriculture intensive en raison de la transformation des paysages qu’elle a engendrée est la deuxième cause du risque d’extinction planétaire de la biodiversité juste après l’exploitation directe des ressources naturelles, le changement climatique étant relégué à la 7ème place. Avec la révolution « verte », les agriculteurs ont remplacé les mécanismes de régulation interne de l’écosystème par des contrôles externes, en utilisant largement les engrais, les pesticides et la mécanisation. Les effets négatifs de cette agriculture intensive sont maintenant bien documentés, et le système est reconnu comme non durable d’un point de vue environnemental, et même économique.

Agro-écologie : remettre la biodiversité et les processus écologiques au cœur du fonctionnement de l’agroécosystème

Le principal défi de l’agriculture pour les prochaines décennies est donc de répondre aux besoins alimentaires d’une population mondiale croissante sans sacrifier davantage l’intégrité des paysages ni l’environnement global: réduire les effets négatifs de cette activité économique (sur la biodiversité, l’eau, la santé publique), répondre au défi du changement global, tout en continuant à produire en quantité et qualité. L’agro-écologie remet la biodiversité et les processus écologiques au cœur du fonctionnement de l’agroécosystème à travers la valorisation de leur rôle dans la provision de services écosystémiques.

Zone atelier« Plaine & Val de Sèvre »

Plusieurs exemples illustrent l’approche agro-écologique. Des travaux de recherche, concrets et opérationnels, permettent d’évaluer d’une part les liens causaux entre changements socio-économiques passés et futurs, l’évolution des pratiques et du territoire, la dynamique de la biodiversité et la provision de services écosystémiques, d’autre part, leurs compromis/conflits au sein du socio-écosystème. Ces recherches proviennent d’un site d’étude unique en France, la Zone Atelier « Plaine & Val de Sèvre », un territoire agricole de 450 km². Y sont étudiées par le CNRS de Chizé et ses partenaires (INRA, Instituts agricoles ou apicoles, etc.), les pratiques agricoles, l’utilisation des pesticides, leur impact sur la biodiversité, l’agriculture biologique, ou la conservation de la nature et des espèces patrimoniales.

La gestion des adventices et des insecticides

La gestion des adventices en particulier, repose massivement sur l’utilisation des herbicides, ce qui a engendré un effondrement de la diversité de la flore, des pollinisateurs sauvages et domestiques qui dépendent de cette flore, ainsi que des problèmes de santé publique en matière d’écotoxicologie. Des solutions alternatives pour gérer la flore adventice sans pertes de rendements restent à découvrir, mais nous avons posé les premiers jalons en ce sens en mettant en évidence l’absence de relation entre rendement, herbicides et abondance adventice. Nous avons également démontré le rôle crucial des adventices (notamment le coquelicot) dans le maintien des abeilles domestiques.

Grace au dispositif ECOBEE, nous avons pour la première fois démontré l’effet des néonicotinoïdes sur la survie des abeilles en condition de butinage (à la suite de ces résultats, le Ministre en charge de l’Agriculture, Mr S. Le Foll, a décidé d’un moratoire sur le colza Cruiser, décision suivie dès 2013 au niveau européen).

L’ensemble de ces recherches montre qu’il est possible de concilier agriculture et environnement, autour de projets de territoires portés par l’ensemble des acteurs; au-delà des agriculteurs, les citoyens ont aussi un rôle crucial à jouer, comme les décideurs, les politiques et les gestionnaires. Le concept de système socio-écologique peut permettre de relever les défis environnementaux qui attendent les sociétés humaines du 21ième siècle.

  • Vincent Bretagnole – Directeur de recherche au CNRS de Chizé